Ubu roi d'Alfred Jarry adapté par Martin Boisvert
Acte premier
Scène première
PÈRE UBU, MÈRE UBU
PÈRE
UBU
Merdre.
MÈRE
UBU
Oh
! voilà du joli, Père Ubu, vous estes un fort grand voyou.
PÈRE
UBU
Que
ne vous assom’je, Mère Ubu !
MÈRE
UBU
Ce
n’est pas moi, Père Ubu, c’est un autre qu’il faudrait
assassiner.
PÈRE
UBU
De
par ma chandelle verte, je ne comprends pas.
MÈRE
UBU
Comment,
Père Ubu, vous estes content de votre sort
PÈRE
UBU
De
par ma chandelle verte, merdre, madame, certes oui, je suis content.
On le
serait
à moins : capitaine de dragons, officier de confiance du roi
Venceslas,
décoré
de l’ordre de l’Aigle Rouge de Pologne et ancien roi d’Aragon,
que
voulez-vous
de mieux ?
MÈRE
UBU
Comment
! après avoir été roi d’Aragon vous vous contentez de mener
aux
revues une cinquantaine d’estafiers armés de coupe-choux, quand
vous
pourriez
faire succéder sur votre fiole la couronne de Pologne à celle
d’Aragon
?
PÈRE
UBU
Ah
! Mère Ubu, je ne comprends rien de ce que tu dis.
MÈRE
UBU
Tu
es si bête !
PÈRE
UBU
De
par ma chandelle verte, le roi Venceslas est encore bien vivant ; et
même
en
admettant qu’il meure, n’a-t-il pas des légions d’enfants ?
MÈRE
UBU
Qui
t’empêche de massacrer toute la famille et de te mettre à leur
place ?
PÈRE
UBU
Ah
! Mère Ubu, vous me faites injure et vous allez passer tout à
l’heure par
la
casserole.
MÈRE
UBU
Eh
! pauvre malheureux, si je passais par la casserole, qui te
raccommoderait
tes
fonds de culotte ?
PÈRE
UBU
Eh
vraiment ! et puis après ? N’ai-je pas un cul comme les autres ?
MÈRE
UBU
À
ta place, ce cul, je voudrais l’installer sur un trône. Tu
pourrais augmenter
indéfiniment
tes richesses, manger fort souvent de l’andouille et rouler
carrosse
par les rues.
PÈRE
UBU
Si
j’étais roi, je me ferais construire une grande capeline comme
celle que
j’avais
en Aragon et que ces gredins d’Espagnols m’ont impudemment
volée.
MÈRE
UBU
Tu
pourrais aussi te procurer un parapluie et un grand caban qui te
tomberait
sur
les talons.
PÈRE
UBU
Ah
! je cède à la tentation. Bougre de merdre, merdre de bougre, si
jamais
je
le rencontre au coin d’un bois, il passera un mauvais quart
d’heure.
MÈRE
UBU
Ah
! bien, Père Ubu, te voilà devenu un véritable homme.
PÈRE
UBU
Oh
non ! moi, capitaine de dragons, massacrer le roi de Pologne ! plutôt
mourir
!
MÈRE
UBU (à
part.)
Oh
! merdre ! (Haut.)
Ainsi
tu vas rester gueux comme un rat, Père Ubu.
PÈRE
UBU
Ventrebleu,
de par ma chandelle verte, j’aime mieux être gueux comme un
maigre
et brave rat que riche comme un méchant et gras chat.
MÈRE
UBU
Et
la capeline ? et le parapluie ? et le grand caban ?
PÈRE
UBU
Eh
bien, après, Mère Ubu ? (Il
s’en va en claquant la porte.)
MÈRE
UBU (seule.)
Vrout,
merdre, il a été dur à la détente, mais vrout, merdre, je crois
pourtant
l’avoir
ébranlé. Grâce à Dieu et à moi-même, peut-être dans huit jours
seraije
reine
de Pologne.
Acte premier deuxième partie
Mère Ubu
Vrout de merdre, je croyais
avoir la couronne de Pologne, Et cette Merdre d'audouille molle me
rapporte de la boucherie cette vulgaire couronne de Bologne après
huit jours de beuverie.. Ce n'est pas un beau cadeau des fête père
Ubu!
PèreUbu
De par ma chandelle verte! Mère
Ubu, Cesse de chialer... une couronne reste une couronne entre
Bologne et Pologne il n'y a qu'une lettre de différence. C'est le
concept qui compte Toc Toc Toc On
frappe à la porte, ça doit être nos invités. Sèche tes larmes
pendant que je vais répondre.
Bordure et son
armée entrent
-
Joyeuses fêtes Père Ubu!
Père Ubu
Joyeuses fêtes Capitaine Bordure vous connaissez déjà mère Ubu!
Mère Ubu
Je vois que vous êtes avec votre armée. Nous avions de la
nourriture pour un régiment mais ce goinfre de père Ubu a presque
tout mangé avant votre arrivée. Il ne reste presque plus rien
honteuse suis-je je....
Acte II
Prologue
Décor : chez les Ubu.
Le coq chante, Père Ubu est couché par terre et se relève péniblement.
PÈRE UBU
Merdre et remerdre, de par ma chandelle verte, j'ai mal au crâne.
J'ai rêvé que la mère Ubu me cocufiait avec le capitaine Bordure
mais j'ai tellement abusé du bon vin... J'ai dû voir double, après
tout, ils ont presque la même taille! Néanmoins, ce qui compte,
c'est l'engagement du capitaine Bordure et de ses hommes pour
assassiner le roi Vencesclas.
Scène Première
Décor : Salle du trône du palais de Pologne
Pendant ce temps au palais de Pologne...
LE ROI VENCESCLAS DE POLOGNE ET LA REINE DE ROSEMONT AVEC LEURS FILS BOUGRELAS, COUTELAS & ADIDAS.
LE
ROI
Monsieur
Bougrelas, la semaine dernière, vous vous êtes montré fort
impertinent avec Monsieur Ubu, chevalier
de mes ordres et comte de Sandomir. C’est pourquoi je vous défends
de paraître à ma revue.
ADIDAS
Je
lui botterais bien le cul à ce père Ubu!
LA REINE
Cessez
vos insolences Adidas! Cependant, Venceslas, vous n’auriez pas trop
de toute votre famille pour
vous
défendre.
LE
ROI
Madame,
je reviens jamais sur ce que j’ai dit. Vous me fatiguez avec vos
sornettes.
LE
JEUNE BOUGRELAS.
Scène II
Décor : Champs des revues
LE
ROI
Noble
Père Ubu, venez près de moi avec votre suite pour inspecter les
troupes.
PÈRE
UBU (aux
siens.)
Attention,
vous autres. (Au
Roi.) On
y va, monsieur, on y va.
LE
ROI
Alors
Père Ubu, ne trouvez-vous pas que mes troupes sont bien vêtues.
PÈRE
UBU
Le
rose les fait paraître nus et passez-moi ces tutus, de plus, je
trouve que vos hommes puent.
LE
ROI
Vous
avez du culot de vous exprimer ainsi et cessez donc de me piler sur
les pieds.
PÈRE
UBU
MERDRE!
À moi mes hommes!
BORDURE
Hurrah
! en avant ! (Tous
frappent le Roi.)
LE
ROI
Oh
au secours ! Sainte Vierge, je suis mort.
COUTELAS
(à
Adidas.)
Qu’est-ce
là ? Dégainons.
PÈRE
UBU
Ah
! j’ai la couronne ! Aux autres, maintenant.
CAPITAINE
BORDURE
Sus
aux traîtres ! ! (Les
fils du Roi s’enfuient, tous les poursuivent.)
Scène III
Décor : Salle du trône
BOUGRELAS
Ah
! que vois-je ? Mes deux frères poursuivis par le Père Ubu et ses
hommes.
LA
REINE
O
mon Dieu ! Sainte Vierge, ils perdent, ils perdent du terrain !
BOUGRELAS
Toute
l’armée suit le Père Ubu. Le Roi n’est plus là. Horreur ! Au
secours !
LA
REINE
Voilà
Coutelas mort ! Il a reçu une balle.
BOUGRELAS
Eh
! (Adidas
se retourne.) Défends-toi !
Hurrah, Adidas.
LA
REINE
Oh
! Il est entouré.
BOUGRELAS
C’en
est fait de lui. Bordure vient de le couper en deux comme une
saucisse.
LA
REINE
Ah
! Hélas ! Ces furieux pénètrent dans le palais, ils montent
l’escalier.
(La clameur augmente.)
LA
REINE et BOUGRELAS (à
genoux.)
Mon
Dieu, défendez-nous.
BOUGRELAS
Oh
! ce Père Ubu ! le coquin, le misérable, si je le tenais…
Scène IV
Décor : Entrée du palais, escalier secret
PÈRE
UBU
Eh
! Bougrelas, que me veux-tu faire ?
BOUGRELAS
Vive
Dieu ! je défendrai ma mère jusqu’à la mort ! Le premier qui
fait un
pas
est mort.
PÈRE
UBU
Oh
! Bordure, j’ai peur ! laissez-moi m’en aller.
UN
SOLDAT avance.
Rends-toi,
Bougrelas !
LE
JEUNE BOUGRELAS
Tiens,
voyou ! voilà ton compte ! (Il
lui fend le crâne.)
LA
REINE
Tiens
bon, Bougrelas, tiens bon !
PLUSIEURS
avancent.
Bougrelas,
nous te promettons la vie sauve.
BOUGRELAS
Chenapans,
sacs à vins, sagouins payés !
(Il fait le moulinet avec son épée et en fait un massacre.)
PÈRE
UBU
Oh
je vais bien en venir à bout tout de même !
BOUGRELAS
Mère,
sauve-toi par l’escalier secret.
LA
REINE
Et
toi, mon fils, et toi ?
BOUGRELAS
Je
te suis.
PÈRE
UBU
Tâchez
d’attraper la reine. Ah ! la voilà partie. Quant à toi, misérable
!…
(Il s’avance vers Bougrelas.)
BOUGRELAS
Ah
! vive Dieu ! voilà ma vengeance ! (Il
lui découd la boudouille d’un
terrible
coup d’épée.) Mère,
je te suis ! (Il
disparaît par l’escalier secret.)
PÈRE
UBU
Quelle
chance! Dans sa fuite, la reine a perdu sa couronne que je vais
pouvoir offrir à mère Ubu et ainsi, regagner son coeur...
Scène V
Décor : Caverne dans les montagnes
BOUGRELAS
Ici
nous serons en sûreté.
LA
REINE
Oui,
je le crois ! Bougrelas, soutiens-moi ! (Elle
tombe sur la neige.)
BOUGRELAS
Ha
! qu’as-tu, ma mère ?
LA
REINE
Je
suis bien malade, crois-moi, Bougrelas. Je n’en ai plus que pour
deux
minutes
à vivre.
BOUGRELAS
Quoi
! le froid t’aurait-il saisie ?
LA
REINE
Comment
veux-tu que je résiste à tant de coups ? Le roi massacré, notre
famille
détruite, et toi, représentant de la plus noble race qui ait jamais
porté
l’épée,
forcé de t’enfuir dans les montagnes comme un contrebandier.
BOUGRELAS
Et
par qui, grand Dieu par qui ? Un vulgaire Père Ubu, aventurier sorti
on
ne
sait d’où, vile crapule, vagabond honteux ! Et quand je pense que
mon
père
l’a décoré et fait comte et que le lendemain ce vilain n’a pas
eu honte
de
porter la main sur lui.
LA
REINE
O
Bougrelas ! Quand je me rappelle combien nous étions heureux avant
l’arrivée
de ce Père Ubu ! Mais maintenant, hélas ! tout est changé !
BOUGRELAS
O
mon Dieu ! son coeur ne bat plus. Elle est morte ! Est-ce possible ?
Encore
une
victime du Père Ubu !
(Il se cache la figure dans les mains et pleure.) O
mon
Dieu ! qu’il est triste de se voir seul à quatorze ans avec une
vengeance
terrible
à poursuivre ! (Il
tombe en proie au plus violent désespoir.)
(Pendant
ce temps les Âmes de Venceslas, de Boleslas, de Ladislas,
de
Rosemonde entrent dans la grotte, leurs Ancêtres les accompagnent
et
remplissent la grotte. Le plus vieux s’approche de Bougrelas et le
réveille
doucement.)
BOUGRELAS
Eh
! que vois-je ? toute ma famille, mes ancêtres… Par quel prodige ?
L’OMBRE
Apprends,
Bougrelas, que j’ai été pendant ma vie le seigneur Mathias de
Koenigsberg,
le premier roi et le fondateur de la maison. Je te remets le soin
de
notre vengeance. (Il
lui donne une grande épée.)
Et que cette épée que je
te
donne n’ait de repos que quand elle aura frappé de mort
l’usurpateur.
(Tous disparaissent, et Bougrelas reste seul dans l’attitude de l’extase.)
Scène VI
Décor : Salle du trône du palais de Pologne
PÈRE UBU, MÈRE UBU, CAPITAINE BORDURE
PÈRE
UBU
Non,
je ne veux pas, moi ! Voulez-vous me ruiner pour ces bouffres ?
CAPITAINE
BORDURE
Mais
enfin, Père Ubu, ne voyez-vous pas que le peuple attend le don de
joyeux
avènement ?
MÈRE
UBU
Si
tu ne fais pas distribuer des viandes et de l’or, tu seras renversé
d’ici deux
heures.
PÈRE
UBU
Des
viandes, oui ! de l’or, non ! Abattez trois vieux chevaux, c’est
bien bon
pour
de tels sagouins.
MÈRE
UBU
Sagouin
toi-même ! Qui m’a bâti un animal de cette sorte ?
PÈRE
UBU
Encore
une fois, je veux m’enrichir, je ne lâcherai pas un sou.
MÈRE
UBU
Quand
on a entre les mains tous les trésors de la Pologne.
CAPITAINE
BORDURE
Oui,
je sais qu’il y a dans la chapelle un immense trésor, nous le
distribuerons.
PÈRE
UBU
Misérable,
si tu fais ça !
CAPITAINE
BORDURE
Mais,
Père Ubu, si tu ne fais pas de distributions le peuple ne voudra pas
payer
les impôts.
PÈRE
UBU
Est-ce
bien vrai ?
MÈRE
UBU
Oui,
oui !
PÈRE
UBU
Oh,
alors je consens à tout. Réunissez trois millions, cuisez cent
cinquante
boeufs
et moutons, d’autant plus que j’en aurai aussi !
(Ils sortent.)
Scène VII
Décor : Remparts du palais et peuples
La
cour du palais pleine de peuple.
PÈRE
UBU couronné, MÈRE UBU, CAPITAINE
BORDURE,
LARBINS chargés de viande.
PEUPLE
Voilà
le Roi ! Vive le Roi ! hurrah !
PÈRE
UBU (jetant
de l’or.)
Tenez,
voilà pour vous. Ça ne m’amusait guère de vous donner de
l’argent,
mais
vous savez, c’est la Mère Ubu qui a voulu. Au moins promettez-moi
de
bien payer les impôts.
TOUS
Oui,
oui !
CAPITAINE
BORDURE
Voyez,
Mère Ubu, s’ils se disputent cet or. Quelle bataille !
MÈRE
UBU
Il
est vrai que c’est horrible. Pouah ! en voilà un qui a le crâne
fendu.
PÈRE
UBU
Quel
beau spectacle ! Amenez d’autres caisses d’or.
CAPITAINE
BORDURE
Si
nous faisions une course.
PÈRE
UBU
Oui,
c’est une idée. (Au
Peuple.) Mes amis, vous voyez
cette caisse d’or,
elle
contient trois cent mille nobles à la rose en or, en monnaie
polonaise et
de
bon aloi. Que ceux qui veulent courir se mettent au bout de la cour.
Vous
partirez
quand j’agiterai mon mouchoir et le premier arrivé aura la caisse.
Quant
à ceux qui ne gagneront pas, ils auront comme consolation cette
autre,
caisse
qu’on leur partagera.
De par ma chandelle verte! De l'or et des jeux, voilà ce qu'il faut
pour rendre le peuple heureux!
TOUS
Oui
! Vive le Père Ubu ! Quel bon roi ! On n’en voyait pas tant du
temps
de
Venceslas.
Entrons ! Entrons ! Vive le Père Ubu ! c’est le plus noble des
souverains !
Acte III
Scène première
Le
palais.
PÈRE
UBU, MÈRE UBU
PÈRE
UBU
De
par ma chandelle verte, me voici roi dans ce pays. Portons fièrement
nos couronnes, elles sont le symbole de notre fortune.à
MÈRE
UBU
Voilà
qui est beau, mais il est encore plus beau d’être rois.
PÈRE
UBU
Oui,
tu as eu raison, Mère Ubu.
MÈRE
UBU
Nous
avons une grande reconnaissance au duc de Lituanie.
PÈRE
UBU
Qui
donc ?
MÈRE
UBU
Eh
! le capitaine Bordure.
PÈRE
UBU
De
grâce, Mère Ubu, ne me parle pas de ce bouffre. Maintenant que je
n’ai
plus
besoin de lui il peut bien se brosser le ventre, il n’aura point
son duché.
MÈRE
UBU
Tu
as grand tort, Père Ubu, il va se tourner contre toi.
PÈRE
UBU
Oh
! je le plains bien, ce petit homme, je m’en soucie autant que de
Bougrelas.
MÈRE
UBU
Eh
! crois-tu en avoir fini avec Bougrelas ?
PÈRE
UBU
Sabre
à finances, évidemment ! que veux-tu qu’il me fasse, ce petit
sagouin
de
quatorze ans ?
MÈRE
UBU
Père
Ubu, fais attention à ce que je te dis. Crois-moi, tâche de
t’attacher
Bougrelas
par tes bienfaits.
PÈRE
UBU
Encore
de l’argent à donner. Ah ! non, du coup ! vous m’avez fait
gâcher
bien
vingt-deux millions.
MÈRE
UBU
Fais
à ta tête, Père Ubu, il t’en cuira.
PÈRE
UBU
Eh
bien, tu seras avec moi dans la marmite.
MÈRE
UBU
Écoute,
encore une fois, je suis sûre que le jeune Bougrelas l’emportera,
car
il
a pour lui le bon droit.
PÈRE
UBU
Ah
! saleté ! le mauvais droit ne vaut-il pas le bon ? Ah ! tu
m’injuries, Mère
Ubu,
je vais te mettre en morceaux.(La
Mère Ubu se sauve poursuivie par le Père Ubu.)
Scène II
Grande
Salle du Palais, Père Ubu et Mère Ubu, le peuple et les nobles
enchainés.
Voix
off : Peuple! Prosternez-vous devant le grand Ubu Roi et son épouse
la magnifique Mère Ubu!
PÈRE
UBU
De
par ma chandelle verte! Par mes pouvoirs illimités, j'applique le
mauvais droit au service de ma justice sociale en offrant à mon bon
peuple la démonstration de l'extraction des richesses de cette
première cohorte de nobles fraichement enchainés. Quel beau
collier! N'est-ce pas Mère Ubu!
PEUPLE
Ubu!
Ubu! Ubu!
MÈRE
UBU
Vous
êtes sadique Père Ubu!
PÈRE
UBU
Vous
n'avez rien vu Mère Ubu! Sortons la pince à décerveler les nobles
avec leurs cervelles nous ferons des noix grenoble!
MÈRE
UBU
Tant
qu'à être dans les noix, nous pourrions aussi récolter des glands
de nobles.
PÈRE
UBU
Oh
comme vous êtes vicieuse ma belle ignoble! Ouvrez la trappe à
nobles! Avant de les exécuter, nous allons les enfermez dans cette
machine à faire péter et nous allons extraire et vendre des gaz
nobles. À nous l'hélium, le
néon, l'argon, le krypton, le xénon et le radon.
Dépêchez-vous
plus vite, je veux faire des lois maintenant.
Je vais d’abord réformer la justice, après quoi, nous procéderons
aux finances. Les magistrats ne seront plus payés, ils vivront des
biens laissés par ceux qu'ils condamneront à mort. Il y aura aussi
un impôt sur le mariage qui sera, bien sûr, obligatoire. Tout mes
opposants finiront dans la trappe que leurs gaz soient noble ou
non... Merdre!
PEUPLE
Ubu!
Ubu! Ubu!
MÈRE
UBU
Mais
enfin, Père Ubu, quel roi tu fais, tu massacres tout le monde.
PÈRE
UBU
Eh
merdre !
MÈRE
UBU
Plus
de justice, plus de finances.
PÈRE
UBU
Ne
crains rien, ma douce enfant, j’irai moi-même de village en
village
recueillir
les impôts.
Scène III
Une
maison de paysans dans les environs de Varsovie.
PLUSIEURS
PAYSANS sont assemblés.
UN PAYSAN (entrant.)
Apprenez
la grande nouvelle. Le roi est mort, les ducs aussi et le jeune
Bougrelas
s’est sauvé avec sa mère dans les montagnes. De plus, le Père
Ubu
s’est emparé du trône.
UN AUTRE
J’en
sais bien d’autres. Je viens de Cracovie, où j’ai vu emporter
les corps
de
plus de trois cents nobles et de cinq cents magistrats qu’on a
tués, et il
paraît
qu’on va doubler les impôts et que le Père Ubu viendra les
ramasser
lui-même.
TOUS
Grand
Dieu ! qu’allons-nous devenir ? le Père Ubu est un affreux sagouin
et
sa famille est, dit-on, abominable.
UN
PAYSAN
Mais,
écoutez : ne dirait-on pas qu’on frappe à la porte ?
UNE VOIX (au-dehors.)
Cornegidouille
! Ouvrez, de par ma merdre, par saint Jean, saint Pierre et
saint
Nicolas ! ouvrez, sabre à finances, corne finances, je viens
chercher
les
impôts ! (La
porte est défoncée, le Père Ubu pénètre suivi d’une légion
de
Chiens Grippe-Sous.)
Scène IV
PÈRE
UBU
Je
viens donc vous dire, vous ordonner et vous signifier que vous
avez à produire
et
exhiber promptement toutes vos finances, sinon
vous serez massacrés. Allons,
messeigneurs
les salopins de finance, voiturez ici le voiturin à phynances.
(On apporte le voiturin.)
STANISLAS
Sire,
nous ne sommes inscrits sur le registre que pour cent cinquante-deux
rixdales
que nous avons déjà payées, il y aura tantôt six semaines à la
Saint-Mathieu.
PÈRE
UBU
C’est
fort possible, mais j’ai changé le gouvernement et j’ai fait
mettre
dans
le journal qu’on paierait deux fois tous les impôts et trois fois
ceux
qui
pourront être désignés ultérieurement. Avec ce système j’aurai
vite fait
fortune,
alors je tuerai tout le monde et je m’en irai.
PAYSANS
Monsieur
Ubu, de grâce, ayez pitié de nous. Nous sommes de pauvres
citoyens.
PÈRE
UBU
Je
m’en fiche. Payez.
PAYSANS
Nous
ne pouvons, nous avons déjà payé.
PÈRE
UBU
Payez
! ou je vous mets dans ma poche avec supplice et décollation du cou
et
de la tête, Cornegidouille, je suis le roi peut-être !
TOUS
Ah,
c’est ainsi ! Aux armes ! Vive Bougrelas, par la grâce de Dieu roi
de
Pologne
et de Lituanie !
PÈRE
UBU
En
avant, messieurs des Finances faites venir votre grand requin, faites
votre devoir. Faites-lui avaler ces sagouins! Musique de Jaws encore!
(Une
lutte s’engage, la maison est détruite et le vieux Stanislas
s’enfuit
seul
à travers la plaine. Le Père Ubu reste à ramasser la finance.)
Scène V
Une
casemate des fortifications de Thorn.
CAPITAINE
BORDURE enchaîné, PÈRE UBU.
PÈRE UBU
Ah
! citoyen, voilà ce que c’est, tu as voulu que je te paye ce que
je te devais,
alors
tu t’es révolté parce que je n’ai pas voulu, tu as conspiré et
te voilà
coffré.
Cornefinance c’est bien fait, et le tour est si bien joué que tu
dois toi-même
le
trouver fort à ton goût
CAPITAINE
BORDURE
Prenez
garde, Père Ubu. Depuis cinq jours que vous êtes roi, vous avez
commis
plus de meurtres qu’il n’en faudrait pour damner tous les saints
du
Paradis. Le sang du roi et des nobles crie vengeance et ses cris
seront
entendus.
PÈRE
UBU
Eh
! mon bel ami, vous avez la langue fort bien pendue. Je ne doute pas
que
si
vous vous échappiez il en pourrait résulter des complications Thorn
aient
jamais
lâché quelqu’un des honnêtes garçons qu’on leur avait
confiés. C’est
pourquoi,
bonne nuit, et je vous invite à dormir sur les deux oneilles, bien
que
les rats dansent ici une assez belle sarabande.
(Il sort et ensuite Mère Ubu fait évader Bordure)
musique de mission impossible
Scène VI
Le palais de Moscou.
BORDURE, LE CZAR ALEXIS
C’est
vous, infâme aventurier, qui avez coopéré à la mort de notre
cousin Venceslas
?
BORDURE
Grand
czar, pardonnez-moi, j’ai été entraîné malgré moi par le Père
Ubu.
ALEXIS
Oh
! l’affreux menteur. Enfin, que désirez-vous ?
BORDURE
Le
Père Ubu m’a fait emprisonner sous prétexte de conspiration, je
suis
parvenu
à m’échapper et j’ai couru cinq jours et cinq nuits à cheval à
travers
les
steppes pour venir implorer Votre gracieuse miséricorde. Je vous
promet d'aider l'un des fils de Venceslas, le jeune Bougrelas, est
encore vivant, je ferai tout pour le rétablir.
ALEXIS
C’est
bien, disparais de ma présence.
(Bordure
sort.)
Scène VII
La salle du Conseil d’Ubu.
PÈRE UBU, MÈRE UBU, CONSEILLERS DE FINANCES
PÈRE
UBU
Messieurs,
de par ma chandelle verte, la séance est ouverte!
UN
CONSEILLER
Fort
bien, monsieur Ubu.
MÈRE
UBU
Quel
sot homme.
PÈRE
UBU
Madame
de ma merdre, garde à vous, car je ne souffrirai pas vos sottises.
Je
vous
disais donc, messieurs, que les finances vont passablement. Un nombre
considérable
de chiens gobe-sous se répand chaque matin dans les rues et
les
salopins font merveille. De tous côtés on ne voit que des maisons
brûlées
et
des gens pliant sous le poids de nos phynances.
LE
CONSEILLER
Et
les nouveaux impôts, monsieur Ubu, vont-ils bien ?
MÈRE
UBU
Point
du tout. L’impôt sur les mariages n’a encore produit que 11
sous, et
encore
le Père Ubu poursuit les gens partout pour les forcer à se marier.
PÈRE
UBU
Sabre
à finances, corne de ma gidouille, madame la financière, j’ai des
oneilles
pour parler et vous une bouche pour m’entendre. (Éclats
de rire.) Ou
plutôt
non ! Vous me faites tromper et vous êtes cause que je suis bête !
Mais, corne
d’Ubu !
MÈRE
UBU
Père
Ubu vous avez reçu une lettre.
PÈRE
UBU
Lis-la.
Je crois que je perds l’esprit ou que je ne sais pas lire.
Dépêche-toi,
bouffresque
ce doit être de Bordure.
MÈRE
UBU
Tout
justement. Il dit que le grand czar des rustres l’a accueilli très
bien, qu’il va envahir tes
États
pour rétablir Bougrelas et que toi tu seras tué.
PÈRE
UBU
Ho
! ho ! J’ai peur ! J’ai peur ! Ha ! je pense mourir. Ô pauvre
homme que
je
suis. Que devenir, grand Dieu ? Ce méchant homme va me tuer. Saint
Antoine
et tous les saints, protégez-moi, je vous donnerai de la phynance
et
je brûlerai des cierges pour vous. Seigneur, que devenir ? (Il
pleure et sanglote)
MÈRE
UBU
Il
n’y a qu’un parti à prendre, Père Ubu.
PÈRE
UBU
Lequel,
mon amour ?
MÈRE
UBU
La
guerre ! !
TOUS
Vive
Dieu ! Voilà qui est noble !
PÈRE
UBU
Oui,
et je recevrai encore des coups.
PREMIER
CONSEILLER
Courons,
courons organiser l’armée.
DEUXIÈME
Et
réunir les vivres.
TROISIÈME
Et
préparer l’artillerie et les forteresses.
QUATRIÈME
Et
prendre l’argent pour les troupes.
PÈRE
UBU
Ah
! non, par exemple ! Je vais te tuer, toi, je ne veux pas donner
d’argent.
En
voilà d’une autre ! J’étais payé pour faire la guerre et
maintenant il faut
la
faire à mes dépens. Non, de par ma chandelle verte, faisons la
guerre,
puisque
vous en êtes enragés, mais ne déboursons pas un sou.
TOUS
Vive
la guerre !
Scène VIII
Le camp sous Varsovie.
SOLDATS
DE LA GARDE D'UBU, PÈRE UBU & MÈRE UBU.
Vive
la Pologne ! Vive le Père Ubu !
PÈRE
UBU
Corne
physique, je suis à moitié mort ! Mais c’est égal, je pars en
guerre et
je
tuerai tout le monde. Gare à qui ne marchera pas droit. Ji lon met
dans ma
poche
avec torsion du nez et des dents et extraction de la langue.
MÈRE
UBU
Bonne
chance, monsieur Ubu.
PÈRE
UBU
J’oubliais
de te dire que je te confie la régence. Mais j’ai sur moi le livre
des
finances,
tant pis pour toi si tu me voles. Je te laisse pour t’aider le
Palotin
Giron.
Adieu, Mère Ubu.
MÈRE
UBU
Adieu,
Père Ubu. Tue bien le grand czar des rustres.
PÈRE
UBU
Pour
sûr. Torsion du nez et des dents, extraction de la langue et
enfoncement
du
petit bout de bois dans les oneilles.
(L’armée s’éloigne au bruit des fanfares.)
MÈRE UBU (seule.)
Maintenant,
que ce gros pantin est parti, tâchons de faire nos affaires, tuer
Bougrelas
et nous emparer du trésor.
Ubu roi Acte IV
Scène première
Ubu passe avec son cheval, s'arrête devant le voiturin à finance.
PÈRE UBU
De par ma chandelle verte, nous sommes
en guerre, amusons-nous! J'ai convertis mon voiturin à finance en
catapulte à merdre, avec l'aide du soldat Pile, nous allons
bombarder ces sagouins de rustres... Allons-y Pile.
Pile est sur le voiturin
PILE
Vive le Père Ubu!
Scène II
La
place de Varsovie.
BOUGRELAS
et SES PARTISANS, PEUPLE et SOLDATS,
puis
GARDES, MÈRE UBU, LE PALOTIN GIRON.
BOUGRELAS
En
avant, mes amis ! Vive Venceslas et la Pologne ! le vieux gredin de
Père
Ubu
parti, il ne reste plus que la sorcière de Mère Ubu avec son
Palotin. Je
m’offre
à marcher à votre tête et à rétablir la race de mes pères.
TOUS
Vive
Bougrelas
BOUGRELAS
Et
nous supprimerons tous les impôts établis par l’affreux Père
Ubu.
TOUS
Hurrah
! en avant ! Courons au palais et massacrons cette engeance.
BOUGRELAS
Eh
! voilà la mère Ubu qui sort avec son garde sur le perron !
MÈRE
UBU
Que
voulez-vous, messieurs ? Ah ! c’est Bougrelas.
BOUGRELAS
Lancez
des pierres, mes amis.
(La foule lance des pierres.)
LE
PALOTIN GIRON
Hon
! C’est ainsi !
(Il
dégaine et se précipite faisant un carnage
épouvantable.)
BOUGRELAS
À
nous deux ! Défends-toi, lâche pistolet.
(Ils se battent.)
GIRON
Je
suis mort !
BOUGRELAS
Victoire,
mes amis ! Sus à la Mère Ubu !
(On entend des trompettes.)
BOUGRELAS
Ah
! voilà les Nobles qui arrivent. Courons, attrapons la mauvaise
harpie !
TOUS
En
attendant que nous étranglions le vieux bandit !
(La
Mère Ubu se sauve poursuivie par tous les Polonais. Coups de fusil
et
grêle de pierres.)
Scène III
Père Ubu et Pile dans une plaine en ukraine (encore la litière)
PILE
Père
Ubu, ne voyez-vous pas dans la plaine les Rustres ?
PÈRE
UBU
C’est
vrai, les Rustres ! Me voilà joli. Si encore il y avait moyen de
s’en
aller,
mais pas du tout, nous sommes sur une hauteur et nous serons en butte
à
tous les coups. Préparons la catapulte à merdre!
PILE
Vive
le père Ubu!
PERE
UBU
Attention!
Les rustres arrivent.
Scène
IV
Même
place
L'armée
Russe, Le Czar, Bordure déguisé, VS Pile et père Ubu. Avec la
catapulte à merdre.
Bataille
(L'armée rustre poursuit Pile et père Ubu qui s'enfuient.)
Scène V
Caverne en lithuanie Ubu et Pile sont dedans,
PERE
UBU
Nous
l'avons échappé belle!
PILE
J'espère
que les Rustres ne nous poursuivent pas.
PERE
UBU
Attend
soyons aux aguets j'entend un grognement.
Scene VI
Un
ours entre dans la caverne c'est la bagarre et père Ubu assommme
l'ours avec une branche.
PÈRE
UBU
Voici
une grosse bête. Grâce à moi, vous avez de quoi souper. Quel
ventre,
messieurs
! Les Grecs y auraient été plus à l’aise que dans le cheval de
Troie,
PILE
Je
meurs de faim. Que manger ?
PÈRE
UBU
L’ours
! Eh
! Mon pauvre Pile, vas-tu le manger tout cru ? Nous n’avons rien
pour
faire
du feu.
PILE
Et
maintenant, Sire Ubu, allez dépecer l’ours.
PÈRE
UBU
Oh
non ! Il n’est peut-être pas mort Tandis que toi, qui es déjà à
moitié mangé
et
mordu de toutes parts, c’est tout à fait dans ton rôle.
(Pile commence à dépecer l’ours.)
PÈRE
UBU
Oh,
prends garde ! il a bougé.
PILE
Mais,
Sire Ubu, il est déjà tout froid.
PÈRE
UBU
C’est
dommage, il aurait mieux valu le manger chaud. Ceci va procurer une
indigestion
au Maître des Finances.
PILE
(à part.)
C’est
révoltant. (Haut.)
Aidez-nous
un peu, Monsieur Ubu, je ne puis faire
toute
la besogne.
PÈRE
UBU
Non,
je ne veux rien faire, moi ! Je suis fatigué, bien sûr !
PILE
(se parle tout seul)
Dois-je
abandonner le Père Ubu ou rester avec lui ?
La
nuit porte conseil. Je vais dormir et verrai demain ce qu’il faut
faire.
Non,
je vais profiter de la nuit pour m'en aller.
Il part.
Scène VII
(Toujours la grotte) Père Ubu dort et marmone :
PÈRE
UBU parle
en dormant.
Ah
! Sire Dragon russe, faites attention, ne tirez pas par ici, il y a
du monde.
Ah
! voilà Bordure, qu’il est mauvais, on dirait un ours. Et
Bougrelas qui
vient
sur moi ! L’ours, l’ours ! Ah ! le voilà à bas ! qu’il est
dur, grand Dieu !
Je
ne veux rien faire, moi ! Va-t’en, Bougrelas ! Entends-tu, drôle ?
Mais va-t’en, maudit ours. Tu ressembles à Bordure. Entends-tu,
bête de Satan ? Non, il n’entend pas, les Salopins lui ont
coupé les oneilles. Décervelez, tudez, coupez les oneilles,
arrachez la finance et buvez jusqu’à
la
mort, c’est la vie des Salopins, c’est le bonheur du Maître des
Finances.!
Il ronfle
Acte V
Scène première
Il
fait nuit. LE PÈRE UBU dort. Entre LA MÈRE
UBU
sans le voir. L’obscurité est complète.
MÈRE
UBU
Enfin,
me voilà à l’abri. Je suis seule ici, ce n’est pas dommage,
mais quelle
course
effrénée traverser toute la Pologne en quatre jours ! Tous les
malheurs
m’ont
assaillie à la fois. je
manque d’être lapidée par ce Bougrelas et
ces
enragés. Je perds mon cavalier le Palotin Giron qui était si
amoureux de
mes
attraits qu’il se pâmait d’aise en me voyant, et même, m’a-t-on
assuré,
en
ne me voyant pas, ce qui est le comble de la tendresse. Il se serait
fait
couper
en deux pour moi, le pauvre garçon. La preuve, c’est qu’il a été
coupé
en
quatre par Bougrelas. Pif paf pan
Ah ! je pense mourir, Ensuite
donc je
prends
la fuite poursuivie par la foule en fureur. Je quitte le palais,
j’arrive à
la
Vistule, tous les ponts étaient gardés. Je passe le fleuve à la
nage, espérant
ainsi
lasser mes persécuteurs de tous côtés la noblesse se rassemble et
me
poursuit.
Je manque mille fois périr, étouffée dans un cercle de Polonais
acharnés
à me perdre. Enfin je trompai leur fureur, et après quatre jours de
courses
dans la neige de ce qui fut mon royaume j’arrive me réfugier ici.
Je
n’ai
ni bu ni mangé ces quatre jours, Bougrelas me serrait de près…
Enfin
me
voilà sauvée. Ah ! je suis morte de fatigue et de froid. Mais je
voudrais
bien
savoir ce qu’est devenu mon gros polichinelle, je veux dire mon
très
respectable
époux. Lui en ai-je pris, de la finance. Lui en ai-je volé, des
rixdales.
Lui en ai-je tiré, des carottes. Et son cheval à finances qui
mourait
de
faim : il ne voyait pas souvent d’avoine, le pauvre diable. Ah ! la
bonne
histoire.
Mais hélas ! j’ai perdu mon trésor ! Il est à Varsovie, ira le
chercher
qui
voudra.
PÈRE
UBU (commençant
à se réveiller.)
Attrapez
la Mère Ubu, coupez les oneilles !
MÈRE
UBU
Ah
! Dieu ! Où suis-je ? Je perds la tête. Ah ! non, Seigneur !
Grâce
au ciel j’entrevois
Monsieur
le Père Ubu qui dort auprès de moi
Faisons
la gentille. Eh bien, mon gros bonhomme, as-tu bien dormi ?
PÈRE
UBU
Fort
mal ! Il était bien dur cet ours ! Combat des voraces contre les
coriaces,
mais
les voraces ont complètement mangé et dévoré les coriaces, comme
vous
le verrez quand il fera jour : entendez-vous, noble Palotin !
MÈRE
UBU
Qu’est-ce
qu’il bafouille ? Il est encore plus bête que quand il est parti.
À
qui
en a-t-il ?
PÈRE
UBU
Pile!, répondez-moi, sac à merdre ! Où êtes-vous ? Ah ! j’ai
peur.
Mais
enfin on a parlé. Qui a parlé ? Ce n’est pas l’ours, je
suppose. Mordre !
Où
sont mes allumettes ? Ah ! je les ai perdues à la bataille.
MÈRE
UBU (à
part.)
Profitons
de la situation et de la nuit, simulons une apparition surnaturelle
et
faisons-lui promettre de nous pardonner nos larcins.
PÈRE
UBU
Mais,
par saint Antoine ! on parle. Jambe-dieu ! Je veux être pendu !
MÈRE
UBU (grossissant
sa voix.)
Oui,
monsieur Ubu, on parle, en effet, et la trompette de l’archange qui
doit
tirer les morts de la cendre et de la poussière finale ne parlerait
pas
autrement
! Écoutez cette voix sévère. C’est celle de saint Gabriel qui ne
peut
donner que de bons conseils.
PÈRE
UBU
Oh
! ça, en effet !
MÈRE
UBU
Ne
m’interrompez pas ou je me tais et c’en sera fait de votre
giborgne !
PÈRE
UBU
Ah
! ma gidouille ! Je me tais, je ne dis plus mot. Continuez, madame l’Apparition
!
MÈRE
UBU
Nous
disions, monsieur
Ubu, que vous étiez un gros bonhomme !
PÈRE
UBU
Très
gros, en effet, ceci est juste.
MÈRE
UBU
Taisez-vous,
de par Dieu !
PÈRE
UBU
Oh
! les anges ne jurent pas !
MÈRE
UBU (à
part.)
Merdre
! (Continuant.)
Vous êtes marié, Monsieur
Ubu.
PÈRE
UBU
Parfaitement,
à la dernière des chipies !
MÈRE
UBU
Vous
voulez dire que c’est une femme charmante.
PÈRE
UBU
Une
horreur. Elle a des griffes partout, on ne sait par où la prendre.
MÈRE
UBU
Il
faut la prendre par la douceur, sire Ubu, et si vous la prenez ainsi
vous
verrez
qu’elle est au moins l’égale de la Vénus de Capoue.
PÈRE
UBU
Qui
dites-vous qui a des poux ?
MÈRE
UBU
Vous
n’écoutez pas, monsieur Ubu ; prêtez-nous une oreille plus
attentive.
(À
part.) Mais hâtons-nous, le
jour va se lever. – Monsieur Ubu, votre femme
est
adorable et délicieuse, elle n’a pas un seul défaut.
PÈRE
UBU
Vous
vous trompez, il n’y a pas un défaut qu’elle ne possède.
MÈRE
UBU
Silence
donc ! Votre femme ne vous fait pas d’infidélités !
PÈRE
UBU
Je
voudrais bien voir qui pourrait être amoureux d’elle. C’est une
harpie !
MÈRE
UBU
Elle
ne boit pas !
PÈRE
UBU
Depuis
que j’ai pris la clé de la cave. Avant, à sept heures du matin
elle était
ronde
et elle se parfumait à l’eau-de-vie. Maintenant qu’elle se
parfume à
l’héliotrope
elle ne sent pas plus mauvais. Ça m’est égal. Mais maintenant
il
n’y a plus que moi à être rond !
MÈRE
UBU
Sot
personnage ! – Votre femme ne vous prend pas votre or.
PÈRE
UBU
Non,
c’est drôle !
MÈRE
UBU
Elle
ne détourne pas un sou !
PÈRE
UBU
Témoin
monsieur notre noble et infortuné cheval à Phynances, qui, n’étant
pas
nourri depuis trois mois, a dû faire la campagne entière traîné
par la bride
à
travers l’Ukraine. Aussi
est-il mort à la tâche, la pauvre bête !
MÈRE
UBU
Tout
ceci sont des mensonges, votre femme est un modèle et vous quel
monstre
vous faites !
PÈRE
UBU
Tout
ceci sont des vérités, ma femme est une coquine et vous quelle
andouille
vous
faites !
MÈRE
UBU
Prenez
garde, Père Ubu.
PÈRE
UBU
Ah
! c’est vrai, j’oubliais à qui je parlais. Non, je n’ai pas
dit ça !
MÈRE
UBU
Vous
avez tué Venceslas.
PÈRE
UBU
Ce
n’est pas ma faute, moi, bien sûr. C’est la Mère Ubu qui a
voulu.
MÈRE
UBU
Vous
avez fait mourir Coutelas et Adidas.
PÈRE
UBU
Tant
pis pour eux ! Ils voulaient me taper !
MÈRE
UBU
Vous
n’avez pas tenu votre promesse envers Bordure et plus tard vous
l’avez tué.
PÈRE
UBU
J’aime
mieux que ce soit moi que lui qui règne en Lituanie. Pour le moment
ça
n’est ni l’un ni l’autre. Ainsi vous voyez que ça n’est pas
moi.
MÈRE
UBU
Vous
n’avez qu’une manière de vous faire pardonner tous vos méfaits.
PÈRE
UBU
Laquelle
? Je suis tout disposé à devenir un saint homme, je veux être
évêque
et
voir mon nom sur le calendrier.
MÈRE
UBU
Il
faut pardonner à la Mère Ubu d’avoir détourné un peu d’argent.
PÈRE
UBU
Eh
bien, voilà ! Je lui pardonnerai quand elle m’aura rendu tout,
qu’elle aura
été
bien rossée, et qu’elle aura ressuscité mon cheval à finances.
MÈRE
UBU
Il
en est toqué de son cheval ! Ah ! je suis perdue, le jour se lève.
PÈRE
UBU
Ah
! c’est trop fort. Je vois bien que c’est toi, sotte chipie !
Pourquoi diable
es-tu
ici ?
MÈRE
UBU
Giron
est mort et les Polonais m’ont chassée.
PÈRE
UBU
Et
moi, ce sont les rustres qui m’ont chassé : les beaux esprits se
rencontrent.
MÈRE
UBU
Dis
donc qu’un bel esprit a rencontré une bourrique !
PÈRE
UBU
Ah
! eh bien, il va rencontrer un palmipède maintenant. (Il
lui jette l’ours.)
MÈRE
UBU (tombant
accablée sous le poids l’ours.)
Ah
! grand Dieu ! Quelle horreur ! Ah ! je meurs ! J’étouffe ! il me
mord !
Il
m’avale ! il me digère !
PÈRE
UBU
Il
est mort ! grotesque. Oh ! mais, au fait, peut-être que non ! Ah !
Seigneur !
non,
il n’est pas mort, sauvons-nous. (Remontant
son rocher.) Pater noster
qui
es…
MÈRE
UBU (se
débarrassant.)
Tiens
! où est-il ?
PÈRE
UBU
Ah
! Seigneur ! la voilà encore ! Sotte créature, il n’y a donc pas
moyen de
se
débarrasser d’elle. Est-il mort, cet ours ?
MÈRE
UBU
Eh
oui, sotte bourrique, il est déjà tout froid. Comment est-il venu
ici ?
PÈRE
UBU (confus.)
Je
ne sais pas. Ah ! si, je sais ! Il a voulu manger Pile et Cotice et
moi je
l’ai
tué d’un coup de Pater Noster.
MÈRE
UBU
Pile, Pater Noster. Qu’est-ce que c’est que ça ? il est fou,
ma finance !
PÈRE
UBU
C’est
très exact ce que je dis ! Et toi tu es idiote, ma giborgne !
MÈRE
UBU
Raconte-moi
ta campagne, Père Ubu.
PÈRE
UBU
Oh
! dame, non ! C’est trop long. Tout ce que je sais, c’est que
malgré mon
incontestable
Vaillance tout le monde m’a battu.
MÈRE
UBU
Ça
m’est bien égal ! Tu sais que Bougrelas a tué le Palotin Giron !
PÈRE
UBU
Oh
! mais tout de même, arrive ici, charogne ! Mets-toi à genoux
devant ton
maître
et occupe toi de ma chandelle verte! (il
l’empoigne et la jette à genoux),
tu vas subir le dernier supplice.
MÈRE
UBU (excitée)
Ho,
ho, monsieur Ubu !
Scène II
LES
MÊMES, BOUGRELAS se ruant
dans
la caverne avec ses SOLDATS.
BOUGRELAS
En
avant, mes amis ! Vive la Pologne !
PÈRE
UBU
Oh
! oh ! attends un peu, monsieur le Polognard. Attends que j’en aie
fini
avec
madame ma moitié !
BOUGRELAS
(le
frappant.)
Tiens,
lâche, gueux, sacripant, mécréant!
PÈRE
UBU (ripostant.)
Tiens
! Polognard, soûlard, bâtard, hussard, tartare, cafard, cafard,
mouchard,
savoyard, communard !
MÈRE
UBU (le
battant aussi.)
Tiens,
capon, cochon, félon, histrion, fripon, souillon, polochon !
(Les Soldats se ruent sur les Ubs, qui se défendent de leur mieux.)
PÈRE
UBU
Dieux
! quels renfoncements !
MÈRE
UBU
On
a des pieds, messieurs les Polonais.
PÈRE
UBU
De
par ma chandelle verte, ça va-t-il finir, la fin de la fin ? Encore
un ! Ah !
si
j’avais ici mon cheval phynances !
BOUGRELAS
Tapez,
tapez toujours.
VOIX
AU-DEHORS
Vive
le Père Ubu, notre grand financier !
PÈRE
UBU
Ah
! les voilà. Hurrah ! Voilà les Pères Ubus. En avant, arrivez, on
a besoin
de
vous, messieurs des Finances ! À
la porte les Polonais !
(Entrent les Pions, qui se jettent dans la mêlée.)
PILE
Hon
! nous nous revoyons Monsieuye des Finances. En avant, poussez
Vigoureusement
gagnez porte, une fois dehors il n’y aura plus qu’à se sauver.
PÈRE
UBU
Oh
! ça, c’est mon plus fort. O comme il tape.
BOUGRELAS
Dieu
! je suis blessé.
PILE
Courage,
sire Ubu.
PÈRE
UBU
Ah
! j’en fais dans ma culotte. En avant, cornegidouille ! Tudez,
saignez,
écorchez,
massacrez, corne d’Ubu ! Ah ! ça diminue.
Il
n’y en a plus que deux à garder la porte.
PÈRE
UBU (les
assommant à coups d’ours.)
Et
d’un, et de deux ! Ouf ! me voilà dehors ! Sauvons-nous! suivez,
les
autres,
et vivement !
Scène III
La
scène représente la province de Livonie couverte de neige.
LES
UBS et LEUR SUITE en fuite.
PÈRE
UBU
Ah
! je crois qu’ils ont renoncé à nous attraper.
MÈRE
UBU
Oui,
Bougrelas est allé se faire couronner.
PÈRE
UBU
Je
ne la lui envie pas, sa couronne.
MÈRE
UBU
Tu
as bien raison, Père Ubu.
(Ils disparaissent dans le lointain.)
Scène IV
Le
pont d’un navire courant au plus près sur la
Baltique.
Sur le pont le PÈRE UBU et Mère UBU.
LE
COMMANDANT
Ah
! quelle belle brise.
PÈRE
UBU
Il
est de fait que nous filons avec une rapidité qui tient du prodige.
Nous
devons
faire au moins un million de noeuds à l’heure, et ces noeuds ont
ceci
de
bon qu’une fois faits ils ne se défont pas. Il est vrai que nous
avons vent
arrière.
PILE
Quel
triste imbécile.
LE
COMMANDANT
Tout
le monde sous le vent, bordez la misaine !
PÈRE
UBU
Il
serait temps de boire et de chanter.
MÈRE
UBU
Ah
! quel délice de revoir bientôt la douce France, nos vieux amis et
notre
château
de Mondragon !
PÈRE
UBU
Merdre
! nous sauterons dans la prochaine bouche d'égout et de par ma
chandelle verte, nous voyagerons comme deux étrons dans l'espace et
le temps pour revenir au Québec, pour revoir cette bonne poire de
Dadaïste Lama et cornegidouille, nous pourront abuser de son
hospitalité et peut-être même espérer retrouver notre royauté.
Ha! Ha! Mais toute bonne aventure finit par une chanson. Entonnons la
chanson du décervelage:
Je
fus pendant longtemps ouvrier ébéniste,
Dans
la ru’du Champ d’Mars, d’la paroiss’de Toussaints.
Mon
épouse exerçait la profession d’modiste,
Et
nous n’avions jamais manqué de rien. –
Quand
le dimanch’s’annonçait sans nuage,
Nous
exhibions nos beaux accoutrements
Et
nous allions voir le décervelage
Ru’d’l’Echaudé,
passer un bon moment.
Voyez,
voyez la machin’tourner,
Voyez,
voyez la cervell’sauter,
Voyez,
voyez les Rentiers trembler ;
(CHOEUR)
: Hourra,
cornes-au-cul, vive le Père Ubu !
(CHOEUR)
: Hourra, cornes-au-cul, vive le Père Ubu !
(CHOEUR)
: Hourra, cornes-au-cul, vive le Père Ubu !
(CHOEUR)
: Hourra, cornes-au-cul, vive le Père Ubu !
(CHOEUR)
: Hourra, cornes-au-cul, vive le Père Ubu !
-Fin de l'adaptation d'Ubu Roi d'Alfred Jarry par Martin Boisvert ©-
Mon adaptation d' Ubu roi est un ready made rectifié de la pièce originale d'Alfred Jarry.
©Martin Boisvert
À suivre...
Ubu roi au Québec débutera un peu après notre fête nationale 2022.
Ubu roi au Québec© par Martin BOISVERT
D'après les personnages d'Alfred JARRY
Acte premier
Scène 1
Père Ubu et mère Ubu sont sur le bord d'une plage en Gaspésie...
Père Ubu -Merdre et remerdre... Mère Ubu dans quelle époque avons-nous échoué? Où sont les bagarres d'antant, avec les rustres et les polonais. Nous avions du sang! Nous avions de la bagarre! Nous avions de l'aventure! Nous avions de la Finance! Ces gens modernes semblent vivre par procuration devant leurs écrans. Ils ne se parlent plus et ne se battent plus. Ils sont comme de petits moutons. On ne peut rien leur dire... ce sont des lâches et des monstres d'indifférences.
Mère Ubu -C'est vous qui êtes un monstre mon gros polichinel! Vous n'avez aucun répentir pour tous les masssacres et les ignominies réalisés dans le passé. Nous sommes dans une époque plus pacifiste. Il faut attendre et observer ce nouvel univers afin d'en tirer certains bénéfices. Profitons du bon air salin de cette belle région. Regardez ce rocher percé, cette immensité et cette tranquilité cela ne vaut-il pas toutes les couronnes de Pologne.
Père Ubu -J'y mettrai des explosifs pour en faire un rocher dispercé afin de mettre fin à cet inutile comtemplation de roche qui abrutis le peuple québécois.
Mère Ubu -Je vois que vous avez déjà des projets de terrorisme et de dictature. Vous estes impayable mon gros polichinel!
Père Ubu -Je suis déprimé Mère Ubu. Je veux du pouvoir. Je veux du respect. Je veux de la finance. Je m'ennuie ici. Je veux de l'action! De la bagarre! Des ennemis. Je suis nostalgique de l'odeur du sang et de la poudre. Les québécois ont besoin de moi. Il doivent connaitre l'enthouisiasme et la gloire de la guerre.
Mère Ubu -Quel idiot tu fais! Ces gens ne connaissent pas la bravoure. Ils ont même refusé de faire leur indépendance à deux reprises. Tu leur feras peur avec ta guerre. Nous retournerons en ville pour bien comprendre ce peuple et voir comment nous pourrons en tirer avantage.
Père Ubu -Cornegidouille! Il nous faut vite retrouver nos lettres de noblesse, notre pouvoir surtout de la finance, beaucoup de finance!
Scène 2
Père Ubu et Mère Ubu dans un autobus reviennent à Montréal.
Père Ubu -De par ma chandelle verte, Mère Ubu, ce voiturin me donne des nausées.
Mère Ubu -Patience Père Ubu! Nous serons ce soir à Montréal et nous y serons confortables.
Père Ubu -Le Québec est grand et froid comme la Sibérie, à quoi bon le conquérir et ce siècle de fous avec les gens rivés sur leur téléphone à se regarder le nombril. Je viens du passé mais je crois en toute bonne foi que je viens du bon sens... Quand le peuple était humain, quand ils étaient unis, qu'ils souffraient ensemble et qu'ils se révoltaient, qu'il prenaient les armes et qu'ils faisait noblement la guerre. Je suis la matrice du passé et j'incarne le retour de la gloire pour ce peuple dégriffé par les nouvelles technologies...
Mère Ubu -Quel pitre fais-tu!
Scène 3
Mère Ubu et Vadrouilleska magasinent dans un centre d'achat.
Mère Ubu -C'est chic de ta part Vadrouilleska de m'amener magasiner ça me distrait de mon gros polichinel qui commence à être complètement gaga.
Elles approchent d'un kiosque de loto.
Vadrouilleska -Voulez-vous jouer à la loto! Ça ne coûte pas cher et on peut devenir riche. Allez! Prenez un billet, je vais vous l'offrir!
Mère Ubu -Merci chère Vadrouilleska!
Scène 4
Pendant ce temps, Père Ubu est chez son hôte, avec les chats dans le confort du salon.
Père Ubu -Ces stupides chats! Comme ils doivent en coûter de la finance! Ils sont bêtes, je n'en peux plus de leurs compagnie. Je suis déprimé, je ne sais pas quoi faire dans ce siècle. Je veux m'enrichir! Je veux de la finance! Je veux me battre et faire règner la terreur comme au bon vieux temps!
Le lendemain matin, Père Ubu et Mère Ubu déjeunent ensemble.
Père Ubu -Alors, quoi de neuf Mère Ubu?
Mère Ubu -Hier, Vadrouilleska m'a offert un billet de loto. Il parait qu”on peux devenir riche! Il faut écouter la radio maintenant pour le savoir.
Père Ubu -Voyons Mère Ubu! De par ma chandelle verte, c'est sûrement un attrape-nigaud!
Mère Ubu -Gros nigaud toi-même! Il s'agit d'un tirage. C'est courant à cette époque!
Père Ubu -Allons! Écoutons cette radio, écoutons quelles bétises elle nous dira!
La radio -Bienvenue au résultat du tirage de Loto Québec. Voici les numéros gagnants du 6/49 pour le tirage du samedi 25 juin 2022 : 17-23-27-33-42 et 49 Félicitation au gagnant ou à la gagnante qui emporte aujourd'hui la cagnote de 50 millions de dollars.
Mère Ubu -Par St-Gabriel! Père Ubu! Nous avons les 6 chiffres exacts! Sur notre billet... nous sommes riches! Très riches!
Père Ubu -Si cela est vrai, nous aurons enfin les moyens de nos ambitions. Mère Ubu, c'est le début de notre règne. Ici! Au Québec! Nous avons enfin de la Finance!
Scène 6
Tournée des bars Montréalais pour Père Ubu.
Le lendemain...
Père Ubu -Chère Mère Ubu, allons célébrer notre nouvelle richesse en faisant une tournée des bars, nous pourrons même nous faire de nouveaux alliers parmi cette populasse.
Mère Ubu -À ta guise mon chéri. Sortir nous fera un grand bien mais il faut prendre garde de ne pas tout dépenser notre précieux avoir. Tu sais, nous ne gagnerons pas deux fois à cette loterie. C'est une chance qu'il ne faut pas gaspiller.
Après quelques bars et quelques verres...
Mère Ubu -Allons relaxer et manger une bouchée en goûtant à cette spécialité locale que l'on nomme de la poutine.
Ils mangent de la poutine.
Père Ubu -Ce plat local manque de consistance. Cornegidouille! J'y ajouterai bien de l'andouille. Je vais lancer la poutine à l'andouille! Cela fera de la Finance!
Mère Ubu -Ah mon gros polichinel, tu ne vas quand même pas te lancer dans la restauration. Tu es beaucoup trop paresseux!
Père Ubu -Je n'ai pas aimé ma tournée des bars, Mère Ubu. Personne ne nous a adressé la parole. J'ai même dévisagé quelques sagouins de façon désagréable et aucun d'entre eux ne m'a invité à me battre. Ils se cachent tous derrière leur téléphone, refusant toute confrontation. Et ici, à Montréal, c'est la tour de Babel! C'est déplorable de voir et d'entendre tous ces gens de races et de cultures étranges qui vivent côte à côte comme des moutons et qui communiquent en anglais. On dirait que les Montréalais ont perdus la fierté de leurs racines françaises! Je suis un patriote! Je veux le retour de la fierté du Québec! Je suis Ubu roi au Québec!
Scène 7
Dur lendemain de veille pour Père Ubu.
Père Ubu somnole et se tourne dans son lit
Père Ubu -Merdre, j'ai mal au crâne et cette poutine de merdre m'a mis le foie à l'envers. Je suis déprimé, je déteste Montréal, je déteste cette époque avec ses écrans et ses réseaux sociaux débiles. Ce siècle outrageusement tolérant où des minorités de sagouins font la pluie et le beau temps. Montréal... toutes ces minorités... Valérie Plante! Cette bouffresque avec sa ville inclusive! Quel cauchemar! Je n'ai plus de tribune! Je suis un roi! Je dois règner! Je suis la voie du bon sens, venue du passé! Nous devons quitter cette ville...
Scène 8
Départ pour Québec.Père Ubu et Mère Ubu devant le château Frontenac.
Père Ubu -Mère Ubu, nous sommes des monarques. Par conséquent, nous allons nous installer dans le seul château digne de nous dans les environs, soit, le Château Frontenac dans la ville de Québec. Il faut réserver une suite, nous en avons maintenant les moyens. Québec n'est pas comme Montréal. D'après ce que j'ai entendu, les gens qui y habitent tiennent beaucoup à la langue française et sont très fiers de leurs racines. Nous guiderons ce peuple et nous les sauverons tout en faisant un maximum de Finance.
Mère Ubu -Vous êtes machiavélique mon gros Polichinel mais cela vous va à merveille. À nous la ville de Québec!
Scène 1
Père Ubu et Mère Ubu dans leur suite, au château Frontenac.
Père Ubu -Et voilà le travail Mère Ubu! J'ai installé une banderolle sur le balcon. On se fera remarquer et les petites gloires sont le prélude aux grandes victoires. Cette bannière est géniale!
Mère Ubu -Et peut-on savoir ce qu'il y a d'inscrit sur cette bannière?
Père Ubu -MERDRE
Mère Ubu -Pas besoin de crier et de m'insulter!
Père Ubu -Mais je vous ai pourtant bien répondu Mère Ubu! J'ai inscris MERDRE sur la banderolle! Avec notre position sur l'édifice, les touristes voient le mot MERDRE inscrit sur le beau château Frontenac. Cela va les agacer et va sûrement interpeller la curiosité des journalistes.
Mère Ubu -Effectivement gros idiot, vous allez nous foutre dans la merdre. J'attends déjà un avis d'expulsion de la direction. Nous nous retrouverons à la rue par votre faute, espèce d'imbécile!
Scène 2
Toujours la suite avec Père Ubu et Mère Ubu. On frappe à la porte et Père Ubu ouvre.
Sylvain Tremblay, reporter au Soleil – Sylvain Tremblay, reporter au Soleil, Qu'est-ce que c'est que cette banderolle? Est-ce de l'art conceptuel?
Père Ubu -C'est un geste politique. Pour sensibiliser les gens de Québec à leur triste sort. Le tourisme c'est de la merdre et c'est bien tout ce que l'on laisse aux gens d'ici alors qu'ils sont les fondateurs et qu'ils occupent une position stratégique. Nous devrions être les leaders et non pas être réduit à une attraction touristique et à un rôle folklorique . Québec c'est beaucoup plus que cela nous sommes toujours dans l'ombre de Montréal qui mobilise toute l'attention. Alors Québec, la ville touristique dit Merdre et revendique sa place de ville stratégique et de leader de la francophonie.
Sylvain Tremblay -Et vous faites ce geste au nom de quelle organisation?
Père Ubu -Je fais cela de mon propre chef. Je suis un patriote qui a fui Montréal car la langue française y est menacée ainsi que notre belle culture québécoise. Je suis le Père Ubu et je veux que les gens de Québec retrouvent leur dignité face à Montréal qui les traite comme des citoyens de seconde zone. Québec proteste! Québec dit Merdre à sa vocation touristique et aux anglophones, nous prendrons les rennes du pouvoir. Je suis multimillionaire. Je ferai l'acquisition d'un poste de radio pour mobiliser le peuple et je redonnerai même aux gens de Québec... une équipe de hockey!
Mère Ubu -Nous remporterons la coupe dès notre première année d'existence! Foi de Mère Ubu! J'en ferai une exigence pour mon époux et j'obtiens tout ce que je veux de mon gros polichinel. N'est-ce pas mon amour!
Sylvain Tremblay – Et comment se nommera cette nouvelle équipe?
Père Ubu – Les Marcel Ubu de Québec! Bien sûr, c'est pour honorer ce grand homme qui fut propriétaire et président-directeur général des Nordiques pendant leur période assez glorieuse, on pardonnera la faute d'orthographe au nom du principal intéressé, bien volontaire, car c'est pour une bonne cause, celle de votre humble serviteur.
Sylvain Tremblay -Bonne chance dans vos projets Père Ubu... et nous attendons impatiemment la coupe à Québec!
Studio de Radio 3X – La radio du décervelage – Père Ubu derrière un gros micro .
Père Ubu – Nobles citoyens de Québec! Voici l'ultime radio! Celle que vous attendiez depuis si longtemps! La vraie détente après le boulot. Le grand repos pour votre cerveau que vous aurez le plaisir de mettre à zéro. En écoutant votre radio, celle du nouvel âge! Celle du décervelage! Oubliez tous votre raison et écouter bien cette chanson! Radio 3X est le seul choix pour tous les Québécois!
Écoutez-moi ça! (Chanson du décervelage)
Scène 4
Réunion des propriétaires des franchises de la LNH, Association de l'est, Division atlantique.
Un homme prend la parole – Gentlemen! We got this request from Quebec City, from a weird guy named Père Ubu. Imagine the guy has no experience at all, speaks a funny old French and moreover, with his ghost costume, he looks like a member of the Klu Klux Klan. What clown will he do? Our public will laugh at him, it will be like a comedy and it will attract crowds. I recommend accepting this team without delay. People need to laugh and they like to see these poor French Canadians lose.
(Traduction) : Messieurs! Nous avons eu cette demande de la ville de Québec, d'un bizarre de bonhomme nommé Père Ubu. Imaginez le gars n'a pas d'expérience du tout, parle un drôle de vieux français et en plus, avec son habit de fantôme, il ressemble à un membre du Klu Klux Klan. Quel pitre fera-t-il? Notre public va bien rire de lui, ce sera comme une comédie et cela attirera les foule. Je recommande d'accepter cette équipe sans tarder. Les gens ont besoin de rire et ils aiment bien voir perdre ces pauvres canadien-français.
Scène 5
On voit une radio....
Radio - À l'issue de la saison de hockey, contre toutes attentes, Les Marcel Ubu de Québec ont emporté la coupe Stanley contre les Kings de Los Angeles.
Mère Ubu et Père Ubu sont au restaurant, seuls à une table en retrait et savourent leur triomphe.
Père Ubu – De par ma chandelle verte, Mère Ubu, nous devrions les appeler les Kings de Pologne car nous les avons détruit comme nous l'avions fait, au siècle précédent, pour ce pauvre roi Vencesclas!
Mère Ubu – Vous me comblez, mon gros Polichinel!
Père Ubu – Moi aussi, je suis comblé, Mère Ubu! Surtout quand je me souviens de ces moments de ferveur, quand nous marquions des points et que la foule scandait : “ Il eut but... Il eut but... Il Ubu! UBU!” Sans parler de toute cette gloire quand les médias m'ont surnommé le général de Goal, bien sûr pour ma performance derrière les buts.
Mère Ubu – On connait la suite, lors de votre allocution sur les plaines d'Abraham, la nuit de la victoire au Colisée. Je frissonne encore de ce moment historique ou vous avez crié : “Vive Québec Libre!”
Père
Ubu
– Et ces gens de Québec, en délire, qui s'égosillaient tous en
coeur en scandant : “ Ubu roi! Ubu roi! Vive le royaume des
québécois!” J'adore ce peuple qui m'a plesbicité pour leur avoir
rapporté cette précieuse coupe Stanley... comme Prométhée est
allé chercher le feu de l'Olympe. Je ne vais pas les contredire...
Je vais régner à partir de maintenant et aussi longtemps que Dieu
me prêtera la vie. Ce sont eux les vrais québécois! Ils sont fiers
et indépendants. Je guiderai ce peuple comme un patriarche à la
jambe de bois mais à la langue de feu... Je suis Ubu roi au Québec!
Scène 6
Père Ubu et Mère Ubu sont couchés dans leur lit.
Mère Ubu - Mais, dites-moi, pendant que nous sommes en toute intimité, quelles sont les ruses que vous avez déployés afin d'atteindre ces résultats si remarquables?
Père Ubu – En toute modestie, Mère Ubu, c'est grâce à ma science et mon talent. Mon record de jeux blancs était simplement dû à un champ magnétique généré par des électro-aimants secrètement dissimulés dans mon but. Les arbitres n'y ont vu que du feu. Quant aux joueurs de l'équipe! Ils tirent leur énergie de ma fabuleuse recette de poutine à l'andouille.
Mère Ubu – Elle a quelque chose de pas catholique votre poutine à l'andouille. N'est-ce pas, Père Ubu? Éclairez-moi mon cheri sur la nature de votre manigance...
Père Ubu – Le secret est dans la sauce. Mes sbires se sont infiltrés dans la population de Québec et ont découvert que certaines gens sont des descendants directs des nobles. Certains ont même toujours le sang pur. J'ai fait kidnapper quelques unes de ces personnes. Comme dans le passé, je les ai enfermé dans la machine à faire péter, pour extraire des gaz nobles que j'ai ensuite combiné avec ce produit utilisé par certains soldats pendant la deuxième guerre mondiale. Le résultat, en combinant les gaz, est la Petamphétamine qui augmente l'acuité ainsi que la résistance à la fatigue, tout en donnant un goût addictif à notre poutine à l'andouille qui est déjà si délicieuse. Après des résultats concluants auprès des joueurs du Marcel Ubu, nous répendrons son usage dans l'ensemble de la population de Québec qui salive déjà devant ce nouveau met national. Nous offrirons cette nourriture au peuple et elle saura combler leur appétit pour la performance et les gens de Québec deviendront ainsi la nouvelle élite d'Amérique du Nord!
(à suivre...)
Les droits
d'auteur des créations, des
textes et des images de ce site web sont
protégés par |
00037150 |